Les épices au Moyen-Age
Si vous ouvrez un livre d’histoire de la gastronomie, vous découvrirez que la cuisine du Moyen-Age était très fortement épicée au point qu'on estime même que finalement on devait sentir plus la cannelle ou le safran que la viande qu’elles accompagnaient.

Mais pourquoi les épices étaient-elles omniprésentes à l'époque ?
Les épices coûtaient cher. C’était des denrées de luxe qui provenaient en général de l’Orient (par la suite de l’Amérique) et que donc seuls les nobles pouvaient se permettre. Offrir à ses invités du gigot fortement épicé était donc une façon d’en mettre "plein les yeux" au même titre que l’argenterie.
Les épices ont un pouvoir colorant. Or, si vous lisez les analyses de Jean-Louis Flandrin (pour citer "the" historien de l’alimentation) vous découvrirez qu’au Moyen-Age on était très attentif à l’aspect chromatique des plats : avec le safran, par exemple, on teint facilement un mets de couleur jaune. De nos jours, on est aussi sensible aux couleurs présentes dans nos assiettes - surtout car elles nous renseignent au sujet de la fraîcheur des mets consommés - mais dans le passé le cuisinier était plus senti comme une sorte de peintre dont le propre était de "jouer" avec la nourriture en conférant aux plats la couleur qui lui disait le plus.
Les épices étaient considérées chaudes et sèches par la médecine galénique. Qu’est ce la médecine galénique ? Pour faire très bref, dans le passé on estimait qu’étaient présentes dans le corps humain quatre humeurs aux caractéristiques différentes. Ainsi il y avait des humeurs froides (flegme, bile noire), des humeurs chaudes (bile jaune, sang), des humeurs sèches (bile noire et bile jaune) et des humeurs humides (sang, flegme). Or les Anciens considéraient que chaque individu avait une humeur prédominante qu’il s’agissait de "tempérer" par différents moyens - la nourriture, par exemple. En effet, les aliments aussi étaient classés en fonction des mêmes caractéristiques (chaud, froid, sec, humide). Prenons un exemple concret : le poisson était considéré froid et humide et ainsi, pour obtenir un repas "équilibré", on le saupoudrait d’épices (chaudes et sèches) afin d’atteindre un juste milieu adapté.
Les épices ont un goût très prononcé et pouvaient servir aussi à couvrir le goût d’une viande commençant à périmer. Pensez aux gros oiseaux de banquet, à ces paons farcis, par exemple. Et bien, pour monter ces petites sculptures (qu’on plaquait souvent même avec des feuilles d’or !) il fallait des heures : on faisait donc non seulement brûler du parfum dans la salle à manger, mais on recourait aussi aux épices pour masquer le goût de la viande non plus très fraîche.
Ce n’est que vers le XVIIe siècle que le rôle des épices reculera - au profit des herbes, entre autres...