Une vie al dente de Stefania Giannotti
Récemment, j’ai fêté mon anniversaire. Parmi tous les beaux cadeaux reçus, il y avait un livre intitulé Une vie al dente (Zucchero a velo en version originale) de Stefania Giannotti. Voici donc un petit article de blog en l’honneur de l’ami qui me l’a offert !

Le concept est plutôt bien trouvé : au lieu de retracer la vie de l’auteure de façon linéaire et détaillée (un peu comme pour une autobiographie), voici que chaque chapitre propose un focus sur un moment clé de l’existence de Stefania Giannotti. Et, autour de chaque souvenir… gravitent de nombreuses recettes intercalées ! C’est ainsi qu’un plat de pâtes ou un rôti acquièrent presque la même valeur que la célèbre madeleine de Proust. Mon passage préféré ? Probablement le moment où l’écrivaine nous raconte sa conception des hommes dans l’avant-propos. Cela m'a bien fait sourire :
Les hommes, simples spectateurs, sont appelés seulement à la phase finale. La table est dressée. Ils vont et viennent. Ils ne participent pas au projet, ils se consomment comme les plats. Ceux qui comptent restent pour des centaines de milliers d’autres repas. Ils sont insatiables. D’autres sont trop cuits, comme les pâtes. Dans tous les cas de figure, je me sens nourricière, jamais nourrissante.
J’avoue : si mon ami me lit (et il le fera puisque je lui transmettrai le lien vers l’article), il verra alors que c’est peut-être le seul point qui m’ait un peu fait « tiquer ». En effet, offrir à une Italienne, un livre italien traduit en français me paraissait un peu dommage. D’autre part, j’ai fini par me dire : « Après tout, il y a de bonnes traductions : donnons-lui une chance ».
...
Rien à faire : ma lecture est désormais achevée - et je peux dire que cette adaptation ne m'a pas enthousiasmée :
Il y a déjà le choix de traduire « cime di rapa » par « brocoli sauvage ». Je me rends compte qu’il n’est pas du tout aisé de traduire cette expression. Une recherche sur Google m’indique même plusieurs autres traductions possibles comme « brocoli rave » ou « brocoli-feuillles ». Cependant, en toute sincérité, je me demande s’il n’eût pas été préférable de garder le terme italien.
On a d’autres cas similaires dans le livre : à un moment, l’auteure parle d’un plateau de fromage et évoque des « crottins ». Or les « crottins » sont une spécialité typiquement française… je me demande bien ce que pouvait être le terme de départ !
S’il y a certaines recettes que j’ai lu un peu en diagonale (fun fact : on a une digression sur l’expression « en diagonale » dans le livre), je dois reconnaître qu’il s’agit sans doute des passages les plus intéressants d’un point de vue stylistique. En effet, la plupart des recettes ne sont pas écrites avec un verbe à l’infinitif ou à l’impératif - comme c’est généralement le cas dans un livre de cuisine : l’auteure utilise essentiellement le « je ». C’est comme si elle partageait vraiment avec nous – les lecteurs – ses secrets de cuisine. Le « je », uni à des verbes conjugués au présent d’habitude, transmet alors l’idée que la recette doit avoir été testée maintes et maintes fois : on se sent donc en confiance pour la reproduire :
Je lave et égoutte les brocolis sauvages et prépare une sauce à l’ail relevée : je coupe les gousses en fines lamelles et les fais revenir dans une grande casserole avec de l’huile extra-vierge.
A l’inverse, on trouve aussi des recettes écrites à partir d’un autre pronom personnel : la recette du « porc au lait » est écrite à partir du « on » indéfini (« ce qui prouve bien que je ne raffole pas de cette recette », commente l’auteure), par exemple. D’autres recettes s'appuient sur d’autres pronoms de la troisième personne (« elle » la plupart du temps) : il s’agit de toutes les recettes qui ont été léguées à l’écrivaine par des proches (famille, amies…).
C’est un livre qui se lit très bien et que j’ai terminé en quelques heures. D’un point de vue stylistique, il m’a donné à réfléchir sur MA façon de rédiger mes recettes sur le blog et sur MON rapport aux plat de mon enfance. Quand l’auteure décrit la pâte à frire de sa grand-mère, je n’ai pas pu m’empêcher de repenser à la friture que prépare mon père…