Black Mirror- Nosedive
S’il y a une série que je regarde volontiers en ce moment, c’est Black Mirror. Pour ceux qui ne connaîtraient pas, la plupart des épisodes (qui fonctionnent tous de façon indépendante) nous montrent une sorte de futur où la technologie a vraiment révolutionné notre mode de vie. Bien sûr, la plupart de ces mondes sont tout simplement glaçants et utiliser le terme « dystopie » n’est absolument pas trop fort. Bref, c’est flippant… mais je suis fan (sauf du tout premier épisode de la première saison que je déteste).
L’épisode 1 de la saison 3 (« Chute Libre » ; « Nosedive » en anglais) peut intéresser plusieurs d’entre nous qui tenons des blogs et – souvent – un compte instagram qui va avec. En effet, l’épisode en question nous peint un monde où les gens ont une sorte de système qui leur permet de noter et d’être noté, selon le principe des 5 étoiles qui existe déjà sur plein de sites (tripadvisor, googlestore…). Il est crucial de garder toujours une excellente e-reputation : plus votre e-reputation est élevée, plus vous vous pouvez vous permettre de belles maisons, de bonnes places d’avion… Bref, cela en a remplacé l’argent. Le résultat ? Un monde où les gens sont terriblement hypocrites ! Je ne vous en dit pas plus pour ne pas vous gâcher le plaisir de découvrir cet épisode, si vous ne le connaissez pas… Mais j’aimerais m’attarder sur certaines scènes qui concernent la nourriture – puisque c’est bien le thème de mon blog.
(autour de la 8ème minute de l’épisode)
Difficile de ne pas reconnaître une situation que la plupart des foodbloggers vivent quotidiennement quand ils postent sur instagram : disposer joliment les aliments, croquer dans un biscuit pour le rendre plus appétissant pour le public, écrire une didascalie bateau pour vanter le goût des mets en question… ahlàlà, j’ai honte, mais je dis check, check, check en ce qui me concerne !
L’épisode a le mérite de montrer l’aliénation qui nous guette : manger n’est plus vital au sens où cela satisfait notre sens du goût (quand l’héroïne se décide enfin à boire son café, elle fait une grimace : il n’était visiblement pas bon… pourtant, cela ne lui fait pas changer le message de sa didascalie) mais au sens où cela satisfait notre besoin (toujours aussi vital ?) d’être bien vus et bien considérés socialement. Inquiétant.
(autour de la 14ème minute)
L’héroïne reçoit un précieux avis de la part du « conseiller » qui coache sa e-reputation : cultiver essentiellement les relations avec les gens bien notés afin d’amener ces derniers à bien la noter en retour. Lacie décide donc d’échanger quelques paroles de politesse avec une femme bien notée (Bethany Jones, une 4.6) qui travaille dans le même bâtiment…au point qu’elle propose à la dame un croissant. Lacie prétend en avoir reçu un gratuitement mais le spectateur se doute qu’il n’en est rien : elle l’a sans doute acheté dans le but de « corrompre » la vieille dame. Bethany n’est d’ailleurs pas dupe et, en plus de ne pas accepter le cadeau, ne note pas positivement Lacie.
Au-delà d’une réflexion sur la sincérité du don (un cadeau que l’on fait uniquement par intérêt est-il encore un cadeau ?)… je pense que le profil de Bethany Jones mérite quelques lignes (on le trouve autour de 5.30 min) : son dernier post montre son chat mangeant des pancakes. La recette du succès sur les réseaux sociaux ? Publiez des photos réunissant de la bouffe et des chatons et vous battrez tous les scores. Triste… mais quand on voit ce que font les community managers de nos jours, on voit que c’est vrai.
(autour de la 17ème minute)
La protagoniste a décidé de préparer de la tapenade parce qu’elle veut imiter son ancienne camarade d’école (ultra populaire) qui vient de poster une photo où elle en mangeait. Qu’y a-t-il de mal, d’un certain côté : qui n’a pas flâné sur internet pour chercher de l’inspiration pour le dîner du soir ? Toutefois… ici c’est bien plus malsain : si Lacie a décide de cuisiner ce plat, ce n’est que pour gagner les « likes » des gens bien notés… En général, les snobs préfèrent les petits canapés au fast food, non ? D’ailleurs, l’héroïne n’assume pas le fait d’avoir cuisiné uniquement pour sa page : elle ment à son frère en lui disant « It’s just something I wanna eat ». Bref, cette scène m’a fait repenser à certains échanges que j’ai pu avoir avec certaines blogueuses se plaignant d’avoir moins d’inspiration pour leur blog et envisageant, peut-être, de ne cuisiner que pour poster quelques nouveaux articles. Bien sûr, finalement, je sais que les blogueuses en question n’ont pas cédé… mais rien qu’avoir l’idée de cuisiner « pour le blog » est tout de même à questionner : ne serait-on pas censé cuisiner pour se nourrir ? N’est-ce pas absurde de se mettre aux fourneaux que pour satisfaire son « public » ? Le sens de la vue a-t-il pris à ce point le dessus sur celui du goût ?
Tout l’épisode propose une intéressante réflexion sur notre rapport au paraître : les réseaux sociaux ont vraiment fait des ravages de ce côté-là ! Si vous ne connaissez pas, allez voir… et faites aussi attention aux couleurs. Tant que Lacy joue le jeu de cette société, la teinte dominante est le rose. Ce n’est que quand elle en est exclue que le gris et le noir prennent le dessus (voir dernière scène).
